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Il y a un peu plus de 10 ans, deux Etats membres de l’Union européenne, la Suède et les Pays-Bas adoptaient deux politiques radicalement opposées en matière (...)

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Il y a un peu plus de 10 ans, deux Etats membres de l’Union européenne, la Suède et les Pays-Bas adoptaient deux politiques radicalement opposées en matière de proxénétisme et de prostitution. Alors que la Suède décidait de renforcer sa lutte contre le proxénétisme, d’interdire l’achat de tout acte sexuel et d’offrir des alternatives aux personnes prostituées, les Pays-Bas dépénalisaient le proxénétisme, réglementaient l’exploitation de la prostitution et créaient un statut social de travailleuses du sexe.

Dépénalisation du proxénétisme (Pays Bas) ou interdiction de l’achat de tout acte sexuel (Suède) :

 10 ans après, quel bilan ? 

Il y a un peu plus de 10 ans, deux Etats membres de l’Union européenne, la Suède et les Pays-Bas adoptaient deux politiques radicalement opposées en matière de proxénétisme et de prostitution. Alors que la Suède décidait de renforcer sa lutte contre le proxénétisme, d’interdire l’achat de tout acte sexuel et d’offrir des alternatives aux personnes prostituées, les Pays-Bas dépénalisaient le proxénétisme, réglementaient l’exploitation de la prostitution et créaient un statut social de travailleuses du sexe.

Ces deux orientations, néo-abolitionniste pour la Suède, et réglementariste pour les Pays Bas, ont fortement influencé les débats nationaux dans d’autres Etats européens. Ainsi, le modèle suédois a été adopté par plusieurs pays nordiques (Norvège, Islande). L’Allemagne a adopté une politique très proche de celle des Pays-Bas en dépénalisant aussi le proxénétisme, tout comme la Catalogne.

 Sur la scène européenne et internationale, c’est la mouvance pro-proxénète qui l’a emporté ces 20 dernières années. Ainsi, alors que jusque dans les années 1980, l’exploitation de la prostitution d’autrui et la traite des êtres humains étaient considérées comme une violation des droits humains par les textes onusiens[1], le nouveau consensus européen et international[2] distingue théoriquement une prostitution dite « libre » d’une autre dite « forcée » et supprime en conséquence l’interdiction de tirer profit de la prostitution d’autrui tant qu’elle n’est pas contrainte.

 Pour nos associations qui accompagnent et soutiennent plusieurs milliers de femmes prostituées en Europe et qui sont témoins, au quotidien, des violences extrêmes et inhérentes à toute forme de prostitution, ces évolutions nationales et internationales exigent une analyse approfondie 

 

BILAN SUEDOIS

Le Gouvernement suédois a publié en juillet 2010 une évaluation de la loi de 1999 interdisant l’achat, mais non la vente, d’un acte sexuel[3]. Cette évaluation a été menée par le Ministère de la Justice[4].

 

1- En s’attaquant à la demande, l’interdiction d’achat de services sexuels a contrecarré l’établissement du crime organisé et fait reculer la traite des êtres humains.

Selon les services de la police criminelle suédoise, la loi a fortement contribué à lutter contre les réseaux de proxénètes internationaux. En s’attaquant à la « demande » et donc en limitant leurs possibilités de tirer profit de l’exploitation de la prostitution, la Suède a découragé les réseaux mafieux d’investir sur son territoire[5].

 

2- Une diminution de moitié de la prostitution de rue et une stabilisation globale du nombre de personnes prostituées, en contraste avec l’augmentation spectaculaire constatée dans les pays voisins

L’évaluation de la loi suédoise indique que :

· La prostitution de rue a diminué de moitié en 10 ans, alors qu’elle a triplé sur la même période au Danemark et en Norvège 

· La prostitution a augmenté sur Internet, mais dans une bien moindre mesure que dans les pays voisins[6]

· La part de prostituées étrangères en Suède n’a pas connu l’explosion enregistrée dans les pays voisins.

· Il n’y a pas eu d’explosion de la prostitution « cachée ». Les acteurs sociaux et la police suédoise soulignent à ce sujet que la prostitution nécessitant toujours une forme de « publicité » pour les clients, elle ne peut jamais être totalement « clandestine ».

 

3- L’effet normatif de la loi : un renversement des mentalités en 10 ans : plus de 70% de soutien à la loi.

Alors que la majorité de la population suédoise était opposée à l’interdiction d’achat d’un acte sexuel avant l’adoption de la loi, 10 ans plus tard, 3 sondages ont montré que plus de 70 % de la population soutenait désormais la loi. L’effet normatif semble d’autant plus marqué que l’adhésion à la loi est plus important chez les jeunes.

 

4- L’effet dissuasif de la loi : une diminution du nombre de « clients » à confirmer.

Selon les sondages menés en Suède, la proportion des hommes ayant acheté des services sexuels a diminué. Ainsi en 1996, 13,6 % des hommes interrogés déclaraient avoir eu recours à la prostitution d’autrui. Ils ne sont plus que 7,8 % en 2008. Cette diminution est peut-être surestimée du fait du refus potentiel d’avouer un délit dans un sondage. Cependant, un certain nombre de sondés ont déclaré ne plus être clients de la prostitution en raison de la loi. La police suédoise considère elle que la simple instauration du délit a prévenu le passage à l’acte d’un certain nombre de clients de la prostitution[7].

 

 

BILAN NEERLANDAIS

Plusieurs études émanant du Centre de documentation et de recherche scientifique du Ministère de la Justice (WODC) et des Services de Police Nationale ont étudié l’impact de la dépénalisation du proxénétisme aux Pays-Bas.

 

1- La situation des personnes prostituées s’est détériorée

L’étude « Daalder »[8] menée pour le Ministère de la Justice révèle que :

· « il n’y a pas eu d’amélioration de la situation des prostituées »

·  le « bien être émotionnel des prostituées est plus faible qu’en 2001 sur tous les critères »

· « L’utilisation de produits sédatifs a augmenté »

· Les demandes de sortie de la prostitution sont importantes, mais à peine 6% des municipalités proposent une assistance pour cela

 

2- 50 à 90% des personnes prostituées dans l’ « industrie légale » sont forcées à le faire

Ces statistiques ont été révélées en 2008 par les Services de Police Nationale dans une étude choc sur le secteur de la prostitution légalisée intitulée « Préserver la apparences »[9]. Dans cette étude la police nationale néerlandaise dresse un bilan extrêmement préoccupant de la loi de dépénalisation du proxénétisme. Cette étude intervient notamment suite à l’ « affaire Sneep » dans laquelle deux proxénètes Germano-turcs, et 30 de leurs complices, ont été condamnés pour avoir exploité avec violence plus de 100 femmes aux Pays-Bas, en Allemagne et en Belgique. Or, il s’est avéré que toutes les femmes exploitées avec extrême violence aux Pays Bas l’étaient dans le secteur légal, licencié, taxé et contrôlé par l’Etat néerlandais.

A Amsterdam, selon la police nationale, 8000 femmes prostituées travaillent dans les seules vitrines et 4000 d’entre elles seraient contraintes de le faire chaque année.

 

3- Le crime organisé a gardé le contrôle sur le secteur légal de l’industrie du sexe

En 2011, le maire adjoint d’Amsterdam, et figure montante du Parti travailliste néerlandais, Lodewijk Asscher, déclarait que la dépénalisation du proxénétisme était une « erreur nationale[10] » et que le gouvernement avait été « gravement naïf ». Un rapport mené conjointement par la Ville d’Amsterdam et le Ministère de la Justice[11] montre en effet qu’une partie considérable du secteur légal de l’industrie du sexe n’échappe pas à l’exploitation et à la traite des êtres humains. Ainsi, la moitié des « licences d’exploitation » de lieux de prostitution ou de coffee shops (marijuana) sont détenus par un ou plusieurs entrepreneurs déja condamnés par la justice.

 

4- La dépénalisation du proxénétisme et la légalisation de l’industrie du sexe n’a pas empêché une augmentation de la prostitution « illégale » ou « cachée »

En 2010, le « RIEC Noord-Holland », organe gouvernemental en charge de la prévention de la criminalité a révélé dans une étude[12] que seules 17% des publicités pour de la prostitution publiées dans les journaux et sur Internet renvoyaient à un établissement du secteur légal de l’industrie du sexe.

 



[1] La Convention des Nations Unies du 2 décembre 1949 inclut la prostitution au titre des atteintes à la dignité de la personne humaine et demande aux Etats membres des Nations Unies de condamner toute forme de proxénétisme.

La Convention des Nations Unies pour l’élimination des discriminations à l’égard des femmes (CEDAW) condamne toute « exploitation de la prostitution des femmes »

[2] La décision cadre de l’UE sur la TEH (2002 puis 2011) + le protocole de Palerme des Nations Unies (2000), bien qu’ils visent à lutter contre la TEH, n’interdisent pas l’exploitation de la prostitution d’autrui 

[3] -Site du Gouvernement suédois : http://www.regeringen.se/sb/d/13358/a/149231

Traduction du « summary » du bilan de la loi en Français : http://www.prostitutionetsociete.fr/IMG/doc/20100702tradfrevaluationinterdachatloisuedoise.doc

 Lire aussi les conclusions du déplacement en Suède de la mission d’information parlementaire française (p222 et suivantes) : http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i3334.pdf

[4] Il est intéressant de noter que ce bilan positif a été établi par un Gouvernement emmené par un parti politique qui, 10 ans plus tôt, dans l’opposition, avait voté contre la loi.

[5] Cet effet dissuasif a d’ailleurs été vérifié par les écoutes policières soulignant le manque de « rentabilité » de l’investissement proxénète en Suède.

[6] L’agence nationale suédoise des affaires sociales a étudié en 2007 pendant 6 semaines les annonces publiées sur Internet et a recensé seulement 400 personnes y proposant des services sexuels. ). En 2008 plus de 800 personnes au Danemark, et près de 1400 en Norvège proposait des services seuls sur Internet.

 http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/rap-info/i3334.pdf (p 226).

[7] Depuis l’entrée en vigueur de la loi, et jusqu’au 31 décembre 2011, 4225 acheteurs ont été condamnés, à une simple amende.

[8]  Daalder, A. L. (2007). Prostitution in The Netherlands since the lifting of the brothel ban [English version]. The Hague : WODC / Boom Juridische Uitgevers.

[9] KLPD (Korps Landelijke Politiediensten) – Dienst Nationale Recherche (juli 2008). Schone schijn, de signalering van mensenhandel in de vergunde prostitutiesector. Driebergen.

[11] Gemeente Amsterdam, Ministerie van Veiligheid en Justitie ; Projectgroep Emergo (2011). Emergo – De gezamenlijke aanpak van de zware (georganiseerde) misdaad in het hart van Amsterdam. Achtergronden, ontwikkelingen, perspectieven. Amsterdam : Boom Juridische Uitgevers.

[12] RIEC Noord Holland (19 October 2010). Methodiek ‘Inzicht in prostitutiebranche’.

 

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